J’ai toujours eu une vie parfaite du moins, j’étais destinée à en avoir une. Je vivais dans une grande maison qui ressemblait vaguement à un château, dans le sud de la France, avec mes chers parents fortunés. J’étais leur petite princesse, leur fierté et ils étaient mes modèles, ma raison de vivre. Ils attendaient beaucoup de moi et je faisais en sorte de ne jamais les décevoir en répondant à leurs plus grandes attentes. Nous étions heureux et c’est tout ce qui m’importait. « Constance, prépares-toi s’il te plait. Papa à une réunion pour son travail et, nous sommes tous invités. » Ma mère me criait cela du bas des escaliers. De suite, je rappliquais sur la pointe des pieds, ralentissant à l’approche des marches majestueuses de mon palace. Je faisais un tour sur moi-même, comme pour laisser le temps à ma chère mère de me contempler dans les moindres détails.  A la fin de celui-ci, je pris la pause, bien décidée à devenir mannequin internationale lorsque je serais en âge de travailler. « Trop bien ! Est-ce que je peux mettre ma robe de princesse ? Et mon diadème ? Aller, s’il te plaît !!! » Battant des cils, les yeux pétillants et le regard rempli d’espoir, je joins mes deux petites mains, suppliant ainsi maman me m’accordait cette faveur. Elle me regarda, entrouvrit les lèvres mais, finit par baisser les bras et soupirer désespérément. Je savais qu’elle ne pouvait rien me refuser, tout comme mon père d’ailleurs. J’étais bien trop mignonne, souriante, obéissante et intelligente pour qu’on me refuse quoique se soit.  « J’ai encore mieux princesse ! » Je suivais ma mère dans tous les recoins de la maison jusqu’à ce qu’elle m’offre la plus belle robe que je n’ai jamais vu auparavant. Elle était magnifique et je me suis promise de la garder pour plus tard, au cas où j’aurais une petite fille. On aurait pu croire que j’étais une enfant pourrie gâtée, intenable, prétentieuse et capricieuse or, ce n’était pas le cas. J’étais la petite fille modèle, une fille à papa peut-être mais, une fille modèle. Mes parents ne m’auraient échangé pour rien au monde !

J’ai toujours été première de ma classe, de mon établissement même. J’étais la fierté de mes parents. Et oui, le travail paie toujours ! J’ai voulu continué mes études à Paris, ma tante vivait là-bas. Je ne pouvais passer à côté de cette opportunité. Il y avait un enseignement différent de Nice, plus performant. Je suis donc partie en direction de la capitale et mes parents m'ont suivi, contre toutes attentes. Ce fut sans aucun doute la plus belle période de ma vie. Là-bas, je fis de magnifiques rencontres, je fis LA plus belle rencontre de ma vie. Il était différent de moi, je dirais même mon opposé et pourtant, je suis tombée amoureuse de lui. De sa façon d’être, de son caractère, de son sourire. Tout me plaisait chez lui, même le fait qui semblait inaccessible. Je le voulais, je le voulais de tout mon cœur et j’ai fini par l’avoir. Lui, Ariel Duchesne. Il était l’homme de ma vie, j’en étais persuadée à l’époque. Notre histoire était parfaite, je la voyais comme parfaite et pourtant, j’ai réussi à tout gâcher. « Ariel, faut que je te dise un truc… » Je tournais en rond autour de la table, je tapotais mes doigts contre mon jean, je remettais mes cheveux en place, souriais, avais les larmes aux yeux et tout se mélangeait dans ma tête. Je ne savais plus où j’en étais et je savais encore moins ce que je voulais. « Je… Je veux pas que tu cries ok parce que, c’est pas grave… On va s’en sortir, je le sais. Je le sens. » Je cherchais désespérément mes mots mais rien ni personne ne pouvait me calmer. J’avais peur, je n’étais qu’une gamine de seize ans après tout. Je baissais la tête et restais silencieuse un long moment. « Je… Je suis enceinte ! » Finis-je par lui avouer tout en me laissant tomber sur le canapé. Je m’attendais à ce qu’il parte en courant mais au lieu de ça, il est resté. Il a su me rassurer, trouver les mots justes pour que je ne fonde pas en larmes et… J’ai merdé. Il était parfait. Lui parfait et moi complètement perdue, ce n’était pas logique et pourtant…

Cher Ariel,
Tu me manques. Tu me manques tellement si tu savais. Plus rien n’est pareil sans toi. Tu hantes mes pensées jour après jour. Je n’arrive pas à te faire sortir de ma tête, de mon cœur également. J’aimerais te serrer dans mes bras, te dire à quel point je t’aime et surtout que je regrette de m’être enfuie de la sorte sans t’en avertir. J’ai eu peur. Je n’étais pas prête à devenir mère, je n’étais qu’une gamine inconsciente qui pensait avoir toute la vie devant elle avant ce genre de choses. J’étais trop jeune pour comprendre quel était mon devoir d’ailleurs, je le suis toujours mais, je suis prête à faire des efforts. J’aimerais le rencontrer. Ce petit bout de chou a dû tellement changé depuis le premier jour, tellement grandir… Je sais que tu as fait du bon travail avec lui, tu réussis toujours où j’échoue. Je t’en prie, pardonne-moi. Je donnerais tout pour revenir en arrière…
Je t’aime. Je vous aime.
Constance.

Toc, toc, toc. Ma mère passa la tête dans l’encadrement de ma porte, un léger sourire collait sur les lèvres. Sourire hypocrite comme d'habitude ! « Je peux rentrer ? » Je chiffonnais la feuille sur laquelle j’étais en train d’écrire, consciente qu'elle n'allait pas être d'accord avec les mots écrits sur ce morceau de papier. Si j'né tais arrivée là, c'était de sa faute. De leur faute à tous les deux. « J't'ai pas dit oui mais bon... » Je savais que manquer un repas d’affaires important pour mon père était mal mais, insulter ma mère devant tous les invités parce que j’avais bu et pris quelques petites pilules bleues en trop, c’était pire encore. Je ne regrettais rien. Ils l'avaient mérité. Au lieu de m'encourager, de me répéter que je serais une très bonne mère, ils m'avaient foutu dehors telle une moins que rien. J'avais eu peur parce que mes parents n'avaient pas cru en moi pour la toute première fois dans ma vie. J'avais eu besoin d'eux et ils n'avaient pas été à la hauteur alors que moi, j'avais toujours tout fait pour être parfaite à leurs yeux. J’avais grandi avec des règles, j’avais appris les principales valeurs à connaître et aujourd’hui, en rentrant à la maison, j’étais différente. Ils s’attendaient à retrouver leur petite fille chérie, si modèle mais au lieu de ça, je leur pourrissais la vie un peu plus chaque jour. Ils avaient seulement ce qu'elle méritait ! J’étais devenue une fêtarde invétérée, rebelle et prête à tout pour se sentir libre. Tout ce que je voulais, c'était retrouver ma famille. « Constance, ça ne peut plus durer. On te reconnaît plus. Ton père a même pensé à une cure de désintoxication. J’essayais de l’en dissuader mais,  après ce qui s’est passé hier, je pense que ce serait une bonne idée. » Je relevais brusquement la tête vers elle, me levais d’un bond, abasourdie par les propos qu’elle tenait. Je ne pouvais aller en cure. J’avais pris le temps de réfléchir et aujourd’hui, je savais parfaitement ce que je voulais. Je voulais redevenir l’ancienne Constance, je voulais retrouver les deux êtres qui m’étaient chers. Je voulais voir mon enfant et monter à Ariel que je méritais une seconde chance, rien de plus. J'attrapais le paquet de cigarette qui se trouvait sur ma table de nuit, j'en sortis une clope que j'allumais devant elle par pure provocation. « Sûrement pas ! Je me casse. J'ai vingt ans, tu peux pas m'obliger à aller là-bas si je n'en ai pas envie. » Ecrasant ma cigarette à même le sol, je tournais les talons et préparais ma valise comme si de rien était. Je devais partir, je ne pouvais plus rester enfermée ici. Je voulais retrouver ma liberté. J’allais les retrouver et prouver que j’étais digne de cette famille. J’étais prête à tout pour cela.