Je fume des cigarettes comme je vis ma vie, à fond. Je connais pas la demi mesure et j'en vois pas l'intérêt. Ma mère m'a appris à toujours dire la vérité, à respecter les femmes. Ce qu'en disait mon père ? Je sais pas, il est mort j'étais qu'un môme. Un orphelin de guerre dès lors. Ouais mon père était soldat, un très bon d'ailleurs, agent infiltré sur le terrain H24, ne rentrant que très peu auprès de sa femme israélienne et de son gosse en bas âge, à savoir moi. Il est mort dans l'exercice de ses fonctions, il est mort en héros. Moi je dirais plutôt qu'il est mort comme un con, loin de sa femme et son fils, sans leur avoir dis une dernière fois qu'il les aimait. Alors ils te filent un drapeau, l'armée, comme si tu pouvais t'en faire une couverture ou te torcher le cul avec. Mais ça sert qu'à te rappeler que l'amour de ton père pour sa patrie était plus fort que son amour pour vous. Alors mon enfance c'était ça, c'était ma cuisine à Paris avec Maman, des après-midis entiers passés à confectionner des gâteaux et autres pâtisseries. Elle disait que c'était ses médicaments pour se sentir bien. Mais elle en avait des vrais, des médocs pour se sentir bien, sauf qu'elle les prenait jamais.

Alors j'ai voulu être un homme à tout prix, pour ma mère. A la place, chuis devenu un connard. Fin ça, c'est les autres qui le disent. Les gens réclament la vérité mais ils ne la veulent pas vraiment, ils veulent seulement que tu leur fasses croire que tes mensonges sont la vérité. Mais t'as horreur du mensonge. Comme ce mensonge qui t'as fais découvrir à 13 ans que ton père était parti s'en taper une autre, qu'il menait une double vie et que t'avais une petite soeur. Petite soeur que t'as pas pu t'empêcher de prendre sous ton aile même si ça rendait ta mère encore plus dingue. Ta mère, elle que tu t'efforçais de protéger sans pouvoir y arriver. Elle pour laquelle t'essayais d'être un mec bien, de plus être pris dans des bastons sanglantes qui te menaient toujours droits au poste, ta mère qui a t'as appris à respecter les femmes, à les aimer toutes sans exception mais jamais aucune vraiment. A part elle, à part ta soeur. A part cette fille qui a surgit dans ta vie un jour. Constance. Ce petit bout de femme si différent de moi qui m'a attiré à elle irrémédiablement. J'ai pas compris que j'étais amoureux, j'ai pas compris que j'étais malade d'amour pour jusqu'à ce qu'elle piétine mon coeur. Je la croyais pure et innocente, je voulais pas être avec elle, pas la "souiller" et pourtant je creuvais de la tenir dans mes bras. Je lui ai fais croire que je la voulais que pour une nuit pour l'éloigner et au lieu de ça, elle s'est jetée dans mon pieu. Triste ironie. J'ai cédé, comme le con que j'étais. Je m'attendais pas à ça, ni à l'avoir autant dans la peau, ni à ce qu'elle allait m'annoncer: un bébé. On allait avoir un bébé. C'était surréaliste. Elle avait que 16 ans, moi fraichement 17. Et on allait être parent. C'est parents chicos l'ont foutue dehors et ma mère a pas tenu assez longtemps pour devenir grand-mère. Vous me direz, Constance est pas restée assez longtemps pour être mère. J'ai pas eu le temps de lui dire que je l'aimais, que je voulais qu'on fonde une famille qu'elle foutait le camp en laissant le bébé derrière elle, comme un paquet de cigarette qu'on abandonne.

J'étais écoeuré par la vie et tout le reste, et y'a rien de pire que de te rendre compte que cette garce t'a tellement baisée que tu peux pas te foutre en l'air parce que ce petit bout compte sur toi et que ta soeur compte sur toi aussi. Elles ont plus que toi. Alors toi tu trimes et t'es pas toujours réglo. Tu boucles tant bien que mal ton CAP pâtisserie et vous mettez les voiles pour voir la vie plus grande aux USA. Mais tu galères toujours autant, t'es obligé de jouer les escortes de temps en temps, souvent en fait. Je deale un peu mais pas trop, manquerait plus que j'y passe. Puis y'a ce truc qui nous tombe dessus. Cette cougar friquée qui me pose sur son testament, carrément et qui m'offre tout son blé parce que ses enfants sont des requins assoiffés. Alors je remercie le ciel pour une fois et je me lance: j'ouvre pas boulangerie-pâtisserie française. Je me doutais pas que ça marcherait autant, je me doutais pas que ça irait si vite. Très vite on a été débordé, on a fais des produits dérivés, on m'a demandé d'animer des émissions, de faire un bouquin, d'ouvrir une autre boutique... Je suis devenu une marque déposée, une marque de seulement 21 ans avec une petite fille et une petite soeur à charge, avec un passé pas net et en procès contre Dieu. Je suis un connard à qui la vie a enfin décidé de sourire. Il était temps.