.............Touche pas à ma soeur ! Je me souviens que malgré mes huit ans j'étais déjà un sacré emmerdeur. Quand je dis cela je pense à mon comportement avec Lila-May. Elle n'a que deux ans de moins que moi mais elle est ma petite soeur, j'ai toujours gardé un oeil sur elle voir les deux, et mon coté protecteur a toujours été exacerbé. Je sais que cela est pesant pour elle parfois. Peu importe. Ce gamin l'avait bousculé la veille, et si elle ne m'en avait rien dit je l'avais su par l'un de ses camarades de classe. Je ne laissais pas ça là. Ce gosse, cela se voyait, avait la trouille, rien de bien étonnant. Je le bousculais légèrement simplement pour lui faire comprendre qu'aujourd'hui était sa seule chance de ne pas recommencer. Message passé.

.............Wàin, sors de cette chambre, il faut qu'on parle. Je me souviens de la colère en moi, celle que je ressentais depuis trop longtemps maintenant. La vie avait été relativement belle pour nous pendant très longtemps, mais depuis quelques temps tout avait dérapé. Mon paternel avait commencé à boire, pour un alcoolique toutes les excuses sont bonnes. Cette mauvaise habitude nous détruisaient tous, j'essayais la plupart du temps de préserver Lila-May, de faire en sorte qu'elle ne voit pas toutes ses sautes d'humeur... Mais je savais qu'elle n'était pas dupe. Ma mère, elle, le vivait mal. Très mal même si elle tentait de faire bonne figure. Je la vis ouvrir la porte de ma chambre, elle savait ce que je pensais, nous avions subi une énième crise, pour trois fois rien, mais il n'en fallait jamais plus. Ne t'en fais pas, ça va s'arranger, dès que papa aura retrouvé du travail... Je levais les yeux vers elle, je ne souriais pas, et mon regard était simplement dénué d'émotions. Non c'est pas vrai, il redeviendra jamais comme avant. Ma mère sembla accusé le coup, se rendre compte que je n'étais pas aussi inconscient que ça, que ce ne serait pas comme avec Lila, elle était encore jeune, elle pouvait encore y croire mais pas moi.

.............Je ne saurais dire combien de temps venait de passer. Je regardais fixement la pierre froide et terne devant moi, les quelques mots inscris dessus ne m'inspirer rien. J'avais l'impression d'être bloqué dans un demi sommeil, je ne ressentais rien, et en même temps, je brulais de l’intérieur, de colère, de haine, de peur, et surtout de chagrin, quelque chose c'était brisé en moi quatre jours auparavant. Je sentis la main de Lila prendre la mienne, je revenais doucement à la réalité, me rappelant qu'elle était toujours là, et qu'elle avait besoin de moi. Elle venait de perdre sa mère et j'avais bannis son père de sa vie, je me devais de me reprendre, d'être plus fort, pour elle. Je baissais finalement les yeux sur elle, les siens étaient embués de larmes, elle semblait tellement triste, j'aurais tout donné pour la voir sourire, l'entendre rire mais je me devais de lui laisser du temps, de lui permettre de faire son deuil. On rentre à la maison. Je l'entrainais après moi, regardant au loin la voiture qui nous attendait, désormais il n'y aurait plus que nous deux, personne ne pourrait jamais la décevoir, lui arracher ce qu'elle aimait, j'étais décidé à lui épargner cette douleur.

Mr Harrington, expliquez moi comment vous envisager de valider votre année ? Vous comptabilisez déjà, à vous seul, 50% du taux d'absentéisme depuis le début du semestre, soit il y a huit semaines... Je regardais mon professeur d'histoire droit dans les yeux. Non je n'étais pas un élève modèle, au contraire, je manquais souvent les cours, j'arrivais en retard le reste du temps... sans compter que je rendais toujours des travaux assez bâclés. Mes facilités d'apprentissage ne m'aidaient plus du tout. Je suis navré Mr, j'ai des obligations qui ne me permettent pas toujours de venir en cours. Mon professeur connaissait ma situation mais selon cela n'avait rien d'une excuse. Il avait sans doute raison. La vérité était tout autre, je ne souhaitais pas faire de grandes études, je souhaitais travailler, gagner ma vie, offrir une belle vie à Lila-May. Quelques jours plus tôt j'avais donc passé un concours pour entrer dans la police. Je venais tout juste d'apprendre que j'étais convoqué à une deuxième épreuve, si tout se passait comme prévu, je dirais au revoir à l'université. Encore me fallait-il annoncer à ma petite sœur que j'avais choisi ce métier. Je la connaissais bien, elle verrai avant tout le coté dangereux du métier, mais j'avais préparé mes arguments, et rien ni personne ne me ferait changer d'avis.

Regarde, je trouve que ça me va plutôt bien. Je souriais alors que Lila déambulait dans sa robe de diplômée. Elle avait eu une scolarité brillante contrairement à moi, elle venait de terminer le lycée et la cérémonie de remise des diplômes allait marquer un tournant dans sa vie. L'âge adulte, peu importe ce qu'elle déciderait je serais fier d'elle. Tu es magnifique ! Mais je crois que ce serait encore mieux avec ton cadeau de fin d'étude. Je lui lançais une petite boite noir, qu'elle attrapait à la volée. Nous n'avions jamais réellement eu de problèmes d'argent mais nous ne roulions pas sur l'or. Deux gamins qui se débrouillent comme disait si bien l'une de nos voisines. C'était bien mieux ainsi selon moi. Je n'avais donc pas fait de folies, juste fait retouchée une montre qui appartenait à notre mère. Son souvenir me serrait toujours le cœur, comme si cette tragédie avait eu lieu quelques jours plus tôt. Ce sentiment ne disparaitrait jamais, pourtant Lila avait le pouvoir de me faire oublier lorsqu'elle me souriait.

Félicitations Harrington, malgré tous tes coups de gueules tu y es arrivé ! Remarque c'est peut être ça le secret, ouvrir sa gueule... La tête dépitée de mon coéquipier me fit rire. Je venais d'être promu inspecteur, un véritable pas en avant pour moi. Je n'avais jamais eu l'envie de gravir les échelons, je préférais cent fois être sur le terrain pouvoir faire mon boulot tel que je le faisais depuis des années. Mon jeune âge, et je le savais, posait problème à ces flics ayant la quarantaine et n'ayant jamais réussi à atteindre un tel poste, mais je me connaissais assez pour savoir que tout cela changerait. Ce poste était donc finalement une bonne chose, une paye qui augmente, des responsabilités, des horaires plus souples également. Le boulot de flic m'avait quelque peu éloigner de ceux que j'aimais, je ne les voyais plus autant, je n'étais plus libre de terminer de bonne heure, de sortir, voir du monde... tout cela allait pouvoir changer.

Je crois qu'on a fait fausse route toi et moi, comprends moi bien, c'était bien le temps que ça a duré, mais on est pas fait pour tout ça, la routine, la vie à deux, ce n'est pas possible. Sur cette phrase complètement stupide et surement prononcé des milliers fois dans ce monde, elle me tournait le dos, me laissant là. Je ne comprenais pas ce que j'avais bien pu dire ou faire pour que cela finisse comme ça, aussi brusquement. J'avais eu l'impression, et surement pour la première fois, d'avoir réussi, d'être un petit ami exemplaire, de ne pas avoir fait trop de faux pas... à croire que je m'étais lourdement trompé. Elle me brisait le cœur finalement, moi qui n'avait jamais pensé aimer à nouveau au point que l'on puisse me blesser, je m'étais trompé, et lourdement.

Je comprends toujours pas pourquoi tu as choisi cette ville... Regarde ça, tout est vachement.. gris. La grimace sur le visage de ma petite sœur me fit sourire. Certes cette ville n'était sans doute pas la plus belle des États Unis, et oui je dois avouer qu'elle était le parfait opposé de Melbourne. Mais on m'avait répondu rapidement ici, me proposant de reprendre un poste d'inspecteur suite à un départ en retraite. Comment refuser ? Débarquer dans un pays, une ville que l'on ne connait pas est assez difficile alors autant mettre toutes ses chances de son côté. Je l'avais fait en m'assurant un travail, une rentrée d'argent, et le taux de criminalité ici était assez faible pour que Lila puisse m'y suivre. J'avais tendance à trop réfléchir lorsqu'il en venait de ma sœur, mais n'était-ce pas mon rôle après tout ?! On sera bien ici, j'en suis persuadé.