A peine a-t-elle passée les portes de l’établissement que Rebecca peut lire la surprise sur le visage des serveurs qui trainent dans le coin. The french laundry a toujours été un de ses restaurants préférés à elle et à Henry – souvenir de leur lune de miel dans la ville des lumières – et elle est certaine de ne pas y avoir mis les pieds depuis le décès de son mari. Et ce soir l’établissement a été réservé pour accueillir une soirée de speed-dating et sa présence ici – six mois après le décès prématuré d’Henry – semble plus que déplacée. Rebecca en a conscience. Mais elle sait aussi que montrer cela, c’est afficher une certaine culpabilité et son procès pour déterminer son niveau d’implication dans le décès de son mari a fait la une des journaux. Elle se sait observer, chacun de ses faits et gestes étudier de près pour y trouver une miette de culpabilité. Et il n’est pas question qu’elle en montre ne serait-ce qu’une trace. Calmement, elle déboutonne sa veste qu’elle a enfilée plutôt dans la soirée sur une robe verte et blanche qu’elle a acheté la semaine dernière. Elle la tend au serveur qui lui retourne un sourire crispé et du coin de l’œil, elle en voit un autre vérifier ce qui semble être la liste des invités. Elle sait que son nom y est écrit noir sur blanc. Une jeune femme se dirige vers elle. « Je vais vous conduire à votre table. » Rebecca la suit, les muscles tendus alors qu’elle traverse la salle principale où elle essaie de déterminer si oui ou non elle connaît des personnes. Elle espère ne croiser personne de sa connaissance. Bien évidemment, elle ne veut pas être ici. Mais Zelda – qui se rapprochait le plus de ce que les gens appellent une meilleure amie – l’y avait inscrite dans son dos et avait réussi à la convaincre d’y aller. Il y avait eu des cris, des promesses je te jure que si tu n’annules pas mon inscription, toi et moi c’est fini, de l’indignation et puis Zelda avait appuyé là où ça faisait mal. Tu as peur ? Rebecca revoit son sourire amusé, son regard plein de défi et elle avait craqué. Parce que Rebecca n’avait jamais peur. Alors qu’elle s’installe à sa table, posant sa pochette à côté de son assiette, la blonde se fait la réflexion qu’au fond – ce qui l’avait vraiment convaincue – c’est qu’aller ici ferait comprendre à son amant qu’elle n’est ni sa propriété ni son jouet. Un verre d’eau lui a été servi et Rebecca y trempe ses lèvres. Elle ne s’est toujours pas décidée au comportement qu’elle allait avoir durant cette soirée. Jouerait-elle le numéro de la veuve éplorée ? Ou se montrerait-elle polie mais froide, faisant clairement comprendre qu’elle n’était pas ici de son plein gré ? Ou serait-elle charmante et séductrice ? Elle n’a toujours pas décidé qu’un homme se présente à sa table. Elle fait un sourire à l’inconnu et plante son regard dans le sien. « Enchantée. Rebecca. »