△ la musique commence là où s'arrête le pouvoir des mots.
« Tu l’entends ? Tu entends son rire ? » C'était il y a vingt-deux ans plus tôt. Dans un hôpital réputé de la capitale polonaise Varsovie, chambre trente-huit, une jeune femme tenait un nouveau né dans ses bras, souriant à son amie qui était assise à ses côtés depuis le début de la nuit.
« Oui. Cette petite est magnifique. Tu as choisis un prénom ? » La jeune maman ne sut quoi répondre. Elle n'y avait pas tellement réfléchie, bien qu'elle ait quelques idées en tête. Son mari n'était pas avec elle et elle ne voulait pas faire un choix sans lui.
« On aime bien Ewelina mais, je ne suis pas sûre. » Son amie hocha la tête. C'était un joli prénom.
« Et Agata ? C'est beau aussi non ? Ma belle-mère me l'a proposé l'autre soir. J'aurai bien pris un prénom américain aussi ... Je ne sais pas trop. »« Alors Madame Skarzynski, vous avez choisi les prénoms de cette petite puce ? » La jeune mère regarda le docteur avant de poser ses yeux sur son mari qui venait tout juste d’arriver ainsi que quelques membres de la famille qui étaient venus voir avec hâte la première fille Skarzynski.
« Ça sera Agata Ewelina Skarzynski. » répondit-elle tout simplement, ne pouvant s’empêcher de serrer un peu plus la petite contre elle. Elle avait toujours rêvé d’avoir une fille et ce jour était enfin arrivé.
« Ewe', ma puce, arrête de pleurer ! » La jeune fillette venait tout juste de prendre cinq ans et pour son anniversaire, sa mère avait organisé une petite fête, invitant un clown. Cet étrange personnage effrayé au plus haut point Ewelina, qui ne cessait de pleurer depuis qu’elle l’avait vu. Ce qui désespérait les membres de la famille. C'était une petite fille gâtée, ses parents essayaient de lui faire plaisir le plus possible. Lui achetant les tous derniers jouets, dessins animés, vêtements qu'elle voulait. C'est à dire à peut-près puisqu'à son âge, elle désirait avoir tous ce qu'elle voyait passer lors des pubs à la télévision. Mais ça ne dérangeait pas les deux parents : c'était leur seule et unique enfant, il fallait la rendre heureuse.
« Papa ! Papa ! Tu peux venir m'aider à ranger mon vélo dans le garage ? » C'était Samedi. Et comme tous les samedis, son père ne travaillait pas. C'était l'unique jour de la semaine où il pouvait s'occuper de sa fille et il en profitait un maximum. Seulement, sa fille avait préféré allait s'amuser avec ses copines dehors plutôt que de rester avec son paternel.
« Ben, Papa, qu'est-ce que tu fais ? » La jeune fillette venait de retrouver Mr Skarzynski penchait au dessus de la table basse du salon.
« Pourquoi tu avales du sucre avec une paille par le nez ? Et c'est quoi la cigarette à côté de toi ? C'est pas les mêmes que maman. Ça pue ! » Son père releva la tête en vitesse en voyant sa fille se bouchant le nez devant lui. Il tenta de cacher ce qu'il avait mit sur la table même si c'était trop tard, elle avait déjà tout vu. Même si elle ignorait ce que c'était, il fallait à tout prit éviter qu'elle aille le répéter à sa mère. C'est pourquoi le polonais sortit de sa poche un billet de cinq euro et le donna à sa fille.
« Tu dis rien à maman, hein ? Promis ? » La fillette regarda d'un air émerveillé le billet.
« Promis, je ne dirai rien ! »Ewelina était rentrée épuisée par sa journée de cours. C'était sa dernière année de collège et elle avait de plus en plus de boulot. Heureusement, c'était une très bonne élève, au plus grand bonheur de ses deux parents qui l'attendaient dans le salon de leur petite maison située à Varsovie.
« Ewe', faut qu'on te parle » La jeune adolescente leva les yeux vers son père assit au côté de sa mère sur le canapé. Le ton qu'il avait utilisé l'inquiétait. Elle ne se rappelait pourtant pas avoir fait quelque chose de mal. Pas de remarques de profs, pas de colle, pas de mauvaises notes, elle avait rangé sa chambre, elle l'avait même nettoyé à fond, ... Ewelina ne voyait vraiment pas où était le problème.
« J'ai fais quelque chose de mal ? Parce que j'en ai pas le souvenir... » Sa mère lui fit signe de s'asseoir sur le fauteuil en face du canapé avant de lui répondre :
« Non, bien sûr que non ma chérie. Tu n'as rien fais. On est même très fière de toi. Mais ce n'est pas de ça qu'on veut te parler... Dis lui Nikola.» Mr Skarzynski regarda sa femme puis sa fille d'un air gênait. Il mordit ses lèvres et les humecta quelques instants.
« Hum...Tu aimes la Pologne, Ewe' ? » « Evidemment ! » La jeune fille ne comprenait vraiment pas se qui se passait et encore moins pourquoi son père lui posait cette question.
« Et, tu seras prête à la quitter ? » « Je ne vois pas pourquoi je partirai. Ou alors, peut-être ouais un jour, quand je serai adulte. Enfin, je ne vois pas pourquoi vous me demandez ça... » Elle marqua une longue pause, réfléchissant.
« Vous ne voulez plus de moi, c'est ça ?! Vous allez m'envoyer dans une famille d'accueil à l'étranger ?! Vous... » « Ewelina ! Ne sois pas ridicule, tu veux ?! On déménage, voilà ce qui se passe ! On part vivre là d'où je viens, tu sais, Chicago. Mon père veut que je reprenne sa banque parce qu'il part en retraite. » « Bonjour ! Asseyez-vous, je vous prie ! », le directeur d'un des lycées de Chicago fit son entrée dans une classe de seconde. Derrière lui se trouvait la petite rousse, toute timide. Bien qu'elle soit excellente en anglais grâce à sa mère, elle ne comprenait pas forcément toujours tout.
« Je vous présente votre nouvelle camarade, Agata Ewelina Skarzynski. Elle arrive tout droit de Pologne donc je vous prierai d'être gentille avec elle et de l'aider au maximum pour qu'elle s'intègre. Arriver dans un nouveau pays n'est jamais simple. Sur ce, je vous laisse. Passez une bonne journée. » Le directeur quitta la salle de classe aussi vite qu'il y était rentré. Ewelina se trouva toujours à côté du bureau du professeur. Professeur de mathématiques d'après son emploie du temps. Tous les regards des élèves étaient braqués sur elle, ce qu'elle n'aimait pas du tout.
« Et bien, qu'attendez-vous mademoiselle ? Allez vous asseoir. Vous n'allez pas rester à côté de mon bureau comme une plante verte. » Les élèves se moquèrent de la remarque que venait de faire l'enseignant, ce qui vexa quelque peu la jeune polonaise.
« Et ben, Chicago ça promait ! », souffla-t-elle en rejoignant une table libre au fond de la salle de classe.
C’était ce qui semblait être pourtant un après-midi des plus normales. Ewelina, alors âgée de dix-sept ans, avait prévu de passer la fin de la journée en compagnie de son petit-copain de l’époque. Malheureusement, ce dernier n'était pas disponible. Il avait donc demandé à son meilleur ami de s’occuper de sa belle ce qui ne dérangeait pas vraiment Ewelina puisqu'elle appréciait beaucoup le jeune homme. Ils avaient donc, tous deux, passaient l'après-midi ensemble, à faire les magasins dans Chicago, à rire aux blagues de l'autre, ... Et, quand il se mit à pleuvoir, le jeune garçon proposa à Ewelina de venir chez lui. Ils s'étaient alors posés dans la chambre de l'adolescent pour fumer. Quand il eu fini sa cigarette, il vint s'asseoir à coté de la belle polonaise sur le canapé-lit et prit sa cigarette. Il fuma la dernière taffe, jeta le mégot par la fenêtre et ferma celle-ci. Il revint s'asseoir et embrassa avec force Ewelina. Sur le coup, elle ne réalisa pas directement ce qui se passait, mais essaya de le repousser comme elle le pouvait. Seulement, elle n'était pas aussi forte que lui. C'est donc sans difficulté qu'il se jeta sur elle, lui faisant faire des choses dont elle n'avait pas envie. Un viol. Ewelina n'en parla jamais à personne, gardant ce lourd secret avec elle. Avec le temps, elle restait toujours autant traumatisée, fragile Agata Ewelina Skarzynski se promenait dans la rue commerçante de Chicago, regardant les passants un par un. Elle avait peur. Depuis son viol, elle n'osait plus vraiment sortir, craignant de recroiser cet abominable homme. Ewelina avait tout pour réussir. Elle avait récemment trouvé un boulot qu'elle aimait énormément et, alors que tout le monde pensait qu'elle menait une petite vie paisible, c'était tout le contraire. Le temps n'efface rien, et surtout pas ce genre de chose. Ça vous traumatise à vie. Et bien qu'elle ne se soit pas renfermée pour autant, elle n'était plus la petite bimbo d'avant. Par exemple, elle n'avait pas eu de copains et encore moins de relations sexuelles depuis. Elle n'osait plus qu'on la touche. Alors qu'elle passait devant une petite ruelle, elle vit deux hommes s'échangeaient des sachets. Il ne fallut que peu de temps pour qu'elle comprenne se qu'ils faisaient. Elle avait vu de nombreuses fois durant son enfance son père faire ça. Et à chaque fois, il la payait contre son silence. Ewelina les regarda quelques instants avant de s'avancer vers eux. Elle se rappelait de l'expression qu'avait son père à chaque fois qu'il se droguait. Ça avait l'air si bien, si bon. Elle voulait essayer. Elle voulait essayer, elle aussi, juste pour ressentir ce sentiment de relaxation, de bien, juste quelques minutes. Voir quelques heures tous les jours. Ewelina avait le droit d'être heureuse elle aussi, même si ça ne dure que peu de temps. Après tout, elle devait s'habituer à vivre avec, avec ses secrets.
" Les secrets ne sont bien cachés que s'ils ont un seul gardien. "