L’enfance, on dit souvent que c’est la partie la plus belle de notre vie, le moment de notre vie que l’on choisirait si l’on devait faire un saut dans le temps. J’en ai entendu des personnes me dire cela, j’en entends encore un peu partout d’ailleurs et pourtant, je ne pense pas comme eux. L’enfance n’est pas le moment que je souhaiterai revivre, c’est plutôt celui que je voudrais oublier, celui qui fait peut-être la fille que je suis aujourd’hui. Je ne regrette pas d’être comme je suis, j’aimerai seulement pouvoir sortir de ma mémoire certaine choses, mais c’est malheureusement impossible.

« Ta mère t’aimera même de là où elle est. » me glissait mon père à l’oreille, déposant un baiser sur mon front alors que j’étais née il y avait seulement quelques jours. Ma mère était apparemment malade, d’après ce que j’ai su par la suite. Elle avait cette maladie depuis quelques temps déjà et était déjà faible alors qu’elle me portait dans son ventre. Il faut croire que l’accouchement l’avait réellement fatiguée et quelques jours après, elle était décédée. Je ne savais pas exactement de quoi elle était morte, mon père n’as jamais rien voulu me compter de plus. Comme si je n’avais pas le droit de savoir. J’avais peu de souvenirs de ma mère, tout était très flou. Je ne l’avais vu que quelques jours et j’étais encore un bébé, un tout petit bébé qui avait besoin de l’amour de sa mère. Un amour que je n’avais jamais pu avoir malheureusement. Au départ, cela ne se faisait pas ressentir, après tout, je n’étais qu’une enfant et je ne comprenais pas mais un jour, en rentrant de la garderie après que mon père soit venu me chercher, je ne pus m’empêché de demander quand même. « Papa.. elle est où maman ? » Des mots lâchés comme cela, comme si de rien était alors que mon père conduisait la petite voiture bleue qu’il avait à l’époque. Heureusement qu’il était arrêté à un feu car je crois bien qu’il avait été surpris de ma question ou plutôt, il ne s’y attendait pas à ce moment-là. Il avait d’ailleurs mis plusieurs secondes avant de répondre. « [colors=steelblue]Ta maman est en voyage, elle revient bientôt.[/color] » Un voyage qui durait énormément de temps à mon goût. Un voyage qui n’en terminait pas. Et pourtant, je n’avais rien dit de plus, me contentant de cette réponse-là, même si elle ne me convenait pas. Je n’avais que trois ans, j’étais encore un enfant et je croyais que le monde était rose, tout rose comme les contes de fées que je m’amusais à regarder durant toute une journée. Cendrillon, la petite sirène, blanche neige.. Je les connaissais par cœur, et pourtant, maintenant je sais que ce n’est pas la vérité.

« Papa, elle est où maman ? » Une nouvelle fois, je lui posais la question. J’avais cette fois pas loin de mes neuf ans et je ne la voyais toujours pas revenir. J’avais grandie, j’étais plus mâture dans ma tête, plus grande pour comprendre certaines choses en tous cas. Cette fois-ci, je rentrais de l’école après avoir ramené mon joli huit sur dix en français à mon papa, pour qu’il soit content et fier de moi. Je voulais qu’il soit fier de moi car je n’avais que lui. Je voulais lui montrer que je pouvais être une bonne petite fille. Une fille parfaite pour lui. Je ne savais tout simplement pas à ce moment-là, qui il était. Je ne le savais pas. « Elle revient bientôt. » J’en avais assez d’entendre cela, assez. Je n’étais plus une enfant et pourtant, il était partit en claquant la porte. Sans ne rien me dire de plus. Sans rien dire sur l’endroit où il allait et je devais m’y faire.

Les années ont continués et je ne lui ai plus posé cette question, j’ai bien vite compris que ma mère n’était plus de ce monde depuis bien longtemps. J’avais quatorze ans après tout, et traînant au collège, ayant bien mûrie encore, j’avais compris toute seule. Je n’avais jamais su qui elle était alors, en rentrant, je ne trouvais pas mon père. Je déposais mon contrôle sur la table de la cuisine avant de monter dans sa chambre, afin d’y rechercher je ne sais quoi qui pourrait être de ma maman, des photos, des lettres, quelque chose.. Je ne savais trop quoi.. Jusqu’à trouver un album photo. Mais je n’eus pas le temps de le feuilleter que mon père était entré en trombe dans la chambre, comme si j’avais fait quelque chose de mal. « Combien de fois t-ais-je dit de ne pas entrer dans la chambre ?! Combien ?! » Il m’avait relevé et me secouait alors brutalement, les larmes me venant directement aux yeux. Je ne l’avais jamais vu comme cela et je ne savais pas ce qui lui prenait. Il m’avait alors poussé sur le lit, commençant à me déshabiller tandis que moi, par la peur je ne savais que faire. Puis j’entendis du bruit et soudain, je ne compris pas. Mon père n’était plus sur le lit et je me retrouvais dans les bras de mon grand-père qui me murmurait doucement à l’oreille. « Tout ira bien désormais.. » Je n’ai plus jamais revu mon père, mais j’avais compris qu’il avait voulu abuser de moi. Pourquoi ? Je ne savais pas et je crois que je n’avais pas le courage de le savoir, ou plutôt, je n’en avais pas envie. Finalement, j’avais récupéré mes affaires pour aller vivre avec mon grand-père, qui avait mis la maison où je vivais auparavant à vendre. C’était mieux ainsi. C’était d’ailleurs lui qui m’avait tout raconté sur ma mère, sur sa fille qu’il avait perdue. Il m’avait parlée d’elle, m’avait montré des photos d’elle et je crois qu’à partir de ce moment-là, je ne m’étais jamais sentie aussi proche de lui. Il avait tellement donné pour moi.. Tellement.

Les années ont passés et maintenant, voilà que j’ai vingt-deux ans. J’ai décidé de partir de Los Angeles pour venir vivre à Chicago. Enfin, cela fait maintenant plusieurs mois que j’y vis. J’avais simplement voulu partir, changer d’air et ne plus rester dans l’endroit de mes cauchemars. J’avais dû y laissé mon grand-père avec qui j’avais lié une relation fusionnelle mais je gardais contact avec lui et puis, peut-être qu’il allait venir me rejoindre. Je travaille dans un petit café, en tant que serveuse mais ça me suffit très bien pour me nourrir et avoir un appartement de toute façon. Et puis, mon grand-père m’envoie toujours de l’argent, même si je n’en veux pas. Côté amour.. C’est le néant absolu, totalement. Je suis toujours.. je n’ai jamais.. enfin vous voyez quoi. Je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui a fait battre mon cœur, quelqu’un avec qui je suis sortie. Pourtant, j’entends certains de mes amis me dire que je suis amoureuse, tout ça parce que j’ai rencontré un certain Eden une fois.. lors d’une soirée entre amis. Et puis quoi encore ! Ce gars-là m’énerve, je ne pourrais jamais être amoureuse de lui. Jamais être amoureuse de personne.