keane ▽ she says she has no time for me now, she says.

Cette odeur. Celle du joint qu’on venait à peine de commencer à fumer. Cela faisait une éternité que Mordred n’en avait pas roulé. Non, il n’y avait pas touché depuis qu’il était partit de Russie et qu’il avait cessé de travailler comme un acharné pour entrer dans l’armée américaine. Le jeune homme inspecta sa main libre, et ses cicatrices. Des bouteilles de verres, ou un coup de poing dans un mur, à force il ne s’en souvenait pas vraiment. Les souvenirs de Valandry était flous, et il retombait petit à petit dans les abîmes qui l’avaient absorbés au fin fond de la Russie froide et hostile. Le bruit sourd de la musique de la boite de nuit parvenait jusqu’à ses oreilles. Cela faisait déjà quelques minutes qu’il était là, debout contre ce mur de pierre froid . Il avait finit son service, quelle heure était-il ? Il n’en savait rien, mais il était déjà tard, très tard. Pourtant, il n’avait pas vraiment conscience de ce qu’il se passait. Il avait erré, inconscient ? Oui. Perdu ? Aussi. Des larmes coulaient sur ses joues sans qu’il ne s’en rende vraiment compte, et il détestait cela, elle n’aimait pas être vulnérable de cette façon. Il mettrait cela sur le compte de la fumée qui lui piquait les yeux. Son cœur était brisé, il ne se remettrait jamais de la mort d’Elena. Jamais, O grand jamais plus il ne serait heureux. Il préférait encore se prendre des poings dans la figure, des balles dans le torse, plutôt que de servir de souffre douleur à l’atrocité de la vie. Il se sentait emprisonné, par cette vie assommante de complications et d’injustice. Il avait passé tant d’année seul, et il s’était surpassé ces dernières années pour pouvoir être digne de rentrer à nouveau dans la vie de quelqu’un, mais la tâche s’était présentée bien plus compliquée que prévu. Une nouvelle latte, libératrice. Mordred se sentait terriblement seul. Il avait du mal à avoir conscience de ce qui l’entourait. Il n’était certain que d’une chose, ce joint était sa bénédiction et il ne lui manquerait plus que quelques verres de vodka pour pouvoir enfin se noyer et déconnecter son cerveau qui réfléchissait beaucoup trop.

Si le garçon avait été raisonnable, et s’il avait écouté cette petite voix qui résonnait dans son crâne, il serait rentré chez lui et aurait continué à boire et à fumer tout seul, en évitant d’embarquer d’autres personnes dans ses tourments. Seulement à cette heure ci, la raison n’avait plus vraiment de place dans l’esprit de Valandry. Prenant appui sur son autre jambe, il commençait déjà à rire tout seul, mauvais signe. Il commença à errer tout seul dans la nuit. Il marchait dans la rue depuis un petit moment. Il était tard, et elle ne savait pas vraiment ce qu’il était en train de faire. Il passa sa main dans ses cheveux, et prit un paquet de cigarette de sa poche après avoir jetté son joint. Lui qui n’avait pas fumé depuis des années. Il en sortit une et l’alluma rapidement, tirant une première latte. C’était désert, on pouvait entendre le léger bruit de ses pas dans la nuit qui était déjà tombée. Il était arrivé en centre ville apparemment, alors il se dirigea vers un immeuble non loin de la. Il s’appuya contre un mur pour glisser tout le long et s’asseoir. Un homme passa en le dévisageant ce à quoi il répondit par un doigt d’honneur bien avisé, « Tu veux une photo ? » Puis, une fois l’homme partit, il regarda le ciel et chuchota, « Elena, Elena, tu m’entends ? », pas de réponse bien évidemment. Son cœur se serra encore plus fort, n’y tenant plus, il jetta sa cigarette par terre et enfouit sa tête dans ses mains, le corps secoué par les sanglots. Elle lui avait dit qu'elle ne le laisserait jamais, qu'ils resteraient ensemble toute la vie, pour toujours. Mais ils n'avaient pas eu le temps, elle n'avait pas eut le temps de vivre. Y avait-il une justice dans tout ça ? Il avait perdu l'amour de sa vie, et il avait très sérieusement pensé à mettre fin à ses jours. Les larmes coulaient abondamment sur les joues aux traits durcis par la douleur du jeune Russe. Il n'avait jamais eu de famille, il n'avait jamais connu sa mère, ni son père, on l'avait maltraité dans un orphelinat, on l'avait jetté dehors, et il avait dut faire le larbin dans un café sordide après avoir vécut dans les égouts, pour au final atterir dans l'armée américaine et voir son meilleur ami mourrir sous ses yeux. N'avait-il pas assez souffert ? Le ciel lui avait enlevé le seul bonheur de sa vie, pour qui il était allé jusqu'a salir son honneur en jouant le lâche, se blessant volontairement pour rester à son chevet. Une seule nuit où il avait aidé d'autres personnes. Une seule nuit. Une seule.
► BAUDELAIRE