je veux que les fées existent, j’y crois, j’y crois !

Ah, le printemps, enfin ! Les quelques rayons du soleil qui réchauffaient finalement la ville gelée depuis trop longtemps par un hiver glacial et résistant. Même si elle adorait l’hiver, qui lui rappelait toujours sa Russie natale, Aurora était aussi bien contente de pouvoir sortir les petites jupes ou robes, et ce sans avoir à mettre de collants en laine qui grattent et qui passent leur temps à retomber. Elle était donc là, allongée dans l’herbe, profitant de la douceur et de la nature d’un des nombreux parcs de Chicago. Lunettes de soleil sur le nez, cheveux étalés en une vague brune aux nombreux reflets dans la pelouse, chacun de ses membres profitant de la chaleur timide qu’amenait le soleil et ses quelques rayonnements. Au loin, le bourdonnement de la ville vrombissait, mais avec ses écouteurs sur les oreilles, elle ne l’entendait pas. Elle était loin de tout ce tohubohu, loin de cette ville, troisième plus grande des Etats-Unis, loin de ses pensées qui la hantaient toujours, de ses idées noires qui la traversaient et lui faisaient se demander ce qu’elle faisait toujours là, en vie, quand elle aurait dû être morte à sa place. Ses doigts se resserrèrent sur les brins d’herbe, en arrachant quelques-uns de colère, de dépit. La jeune femme n’en pouvait plus, elle aurait voulu que toute cette histoire cesse, qu’elle soit enfin en paix. Mais sa culpabilité, sa conscience, l’en empêchait depuis trop longtemps à présent. Une boule se forma dans sa gorge, un cri de frustration contenu, une éternelle envie d’en finir avec la pègre, avec le procès, avec sa vie.
Et puis, c’est toujours dans ces moments où l’on broie du noir qu’apparaît une petite lueur d’espoir, n’est-ce pas ? La sienne se présenta sous la forme d’un petit garçon, âgé tout au plus d’un an, de ce qu’elle en jugea lorsqu’il s’écroula sur elle. Surprise, Aurora se rassit, sans geste brusque, et contempla la petite masse qui venait de lui tomber dessus. Elle releva ses lunettes sur sa tête, histoire que l’enfant voit ses yeux et ne s’inquiète pas trop. Les lunettes noires, ça leur faisait souvent peur, de ce qu’elle avait pu en juger. La russe attrapa l’enfant pour le remettre debout, et comprit rapidement qu’il ne devait pas encore marcher tout à fait correctement, ce qui expliquait pourquoi il n’avait pas pu s’arrêter avant de lui rentrer dedans. Elle lui fit un sourire, un beau sourire, sincère, pour qu’il n’ait pas peur d’elle. Aussi étrange que cela puisse paraître pour beaucoup, beaucoup de monde, elle aimait les enfants. Elle espérait qu’un jour, quand elle aurait trouvé un homme, celui qui serait le bon, le vrai, celui qui arriverait à faire battre son cœur de princesse de glace et de reine de la pègre, elle aurait des enfants, elle aussi. Cette pensée la fit sourire, et ce encore plus quand elle vit que le bambin lui répondait lui aussi par un sourire. « T’es plutôt mignon, tu sais ça, toi ? » Le garçonnet, pas très sûr sur ses jambes, s’appuya sur celles d’Aurora, et attrapa une des longues mèches brunes entre ses petits doigts potelés de bébé. Il ne tirait pas dessus, donc elle le laissa faire. « C’est pas que j’t’aime pas gamin, mais j’ai pas envie de me faire accuser de kidnapping aujourd’hui. » La jeune femme jeta un coup d’œil aux alentours, attendant de voir si une maman surgissait telle une furie démente à la recherche de son enfant perdu. « Quelqu’un doit bien être en train de te chercher, non ? » Bien sûr, elle n’espérait pas de réponse du marmot. Ce dernier la fixait avec de grands yeux tout étonnés, et elle réitéra son sourire. Avisant une petite pâquerette non loin d’eux, elle la cueillit et la tendit au garçon, pour qu’il lâche ses cheveux.