Danser comme un forcené ou se contenter de remuer le petit doigt en cadence ? Wyatt était en plein dilemme, son verre à la main, à quelques centimètres de la piste de danse. Parfois, il tentait un mouvement bien maladroit pour montrer à sa meilleure amie, Tamara qu’il était encore là mais il hésitait franchement. Wyatt ne savait pas pourquoi il était si stressé ce soir-là, dans tous les cas, il buvait et ce, sans relâche en attendant de prendre une décision concrète sur la suite de sa soirée. Et si les gens ici présents rigolaient de lui dès lors qu’il entrait en scène ? Il ne pouvait pas prendre ce risque, il était déjà bien assez ridicule les autres jours de l’année dans sa classe de génie du son et des lumières. Bon, c’est vrai, ses parents lui répétaient sans cesse qu’il avait le droit de s’amuser à sa façon à lui-même si cela déplaisait aux autres. Après tout, il n’avait même pas encore vingt ans et n’avait pour ainsi dire rien vécu, surtout avec le sexe opposé. Oh, il y avait bien eu cette fois à l’école primaire où la jolie blonde de sa classe l’avait embrassé mais les rumeurs avaient toujours dit que c’était un simple pari en réalité. Wyatt survivait tout de même et plutôt bien en vue de son avenir professionnel qui promettait d’être plutôt intéressant. « Bon Monroe, à quelle heure tu te bouges ? Je vais pas t’attendre trois cent ans ! » Wyatt sursauta et bien évidemment, laissa tomber son verre essayant de rattraper sa maladresse avec un résultat acrobatique et néanmoins loin d’être réussi. Il se releva lentement, épousseta sa chemise et se tourna vers Tamara, un sourire aux lèvres alors que la musique et les cris reprenaient de plus belle. « M’attendre pour quoi ? Danser ? Moi ? Nahhh ! Je risquerais de ridiculiser tous les invités, c’est pas correct tu sais ! Et puis, tu sais, j’ai les tendons fragiles, ma mère m’a toujours dit d’être prudent et là, en ce moment même, je sens que je suis en manque de lactose, prendre un risque pareil Tamy, c’est… » Mais Wyatt n’eut pas le temps de terminer sa phrase qu’il était déjà au milieu de la piste, son amie se déhanchant devant elle. « Oh ok ! Hum c’est quoi ? Un twist ? » Il attrapa un nouveau verre qui passa non loin de lui, but une gorgée et puis une autre… Et le trou noir.
La lumière du jour. Douloureuse lumière. Et la migraine aussi. Aoutch. Où était-il ? Wyatt ouvrit les yeux et se retrouva dans un lit qu’il ne connaissait absolument pas et étrangement, il semblait avoir égaré ses vêtements. Comment était-il arrivé ici ? Aucune idée mais Chicago était bien assez grand pour qu’il se déclare perdu. Ses yeux noisette firent un tour d’horizon de son environnement et tout était étrangement calme ici et la décoration légèrement has been. Il remarqua la photo de vacances d’un couple sur la table de chevet et il ne les connaissait pas non plus. Bien étrange sensation de pas comprendre ce qui se tramait et cela, encore moins lorsque le lit bougea à ses côtés et que la charmante tête de Tamara sortit de dessous les couvertures. Il dut faire une grimace de quatre mètres de long puisque la jeune femme lui lança un regard à peine masqué de dédain. « Bah quoi ? T’as jamais vu une nana se réveiller ou quoi ? » Wyatt écarquilla les yeux deux fois plus avant de les essuyer prestement de ses doigts pour être sûr qu’il ne rêvait pas. Il n’arrivait même plus à articuler deux syllabes à la suite, complètement sous le choc pendant deux bonnes minutes. « Euh… Si, ma mère. Souvent. Quand j’étais petit. » Et, il comprit instantanément qu’il aurait mieux fait de se taire en vue de la situation puisque la jeune femme s’engouffra de nouveau sous la couette, désespérée. Et le silence s’ensuivit durant lequel Wyatt réfléchissait et Tamara semblait rendormie. Il coupa court au vide de la conversation bien vite pour autant, toujours autant allergique aux gros blancs. « Euh Tams, dis moi que t’as encore tes vêtements et qu’on n’est pas dans un remake de seconde zone de Very Bad Trip, s’il te plait ? » Tamara explosa de rire avant de se rasseoir, clairement amusée de la réplique de Wyatt alors que celui-ci levait les yeux au ciel, priant pour son salut. « Non Wyatt, on n’est pas dans un de tes jeux vidéo pour gamins… Tu crois quoi ? Qu’on a chanté le générique de Pokémon toute la nuit ? Me dis pas que tu te rappelles pas… » Il était fichu. Merde, merde, merde. Il avait perdu sa tendre virginité avec sa meilleure amie. Mon dieu. A moins que ce ne soit pas lui. Oui, c’était une blague, assurément. Il prit son visage entre ses mains, bougeant dans tous les sens, agonisant en un sens. « T’es sûr que y a pas eu un transfert à la Freaky Friday entre moi et Ben Affleck là ? Non parce que là, tu me sembles un peu trop rayonnante pour quelqu’un qui vient de coucher avec son meilleur ami depuis dix ans. » Tamara se releva prestement, passa à ses côtés pour se dépêtrer du lit, venant lui baiser la joie, sourire mis en avant partant dès lors à la recherche de ses vêtements. « Wow, Tamara, intimité là ! » Wyatt se cacha les yeux, à demi avant de les rouvrir, la jeune femme déjà à la porte. « Oh ça va, c’est rien que tu n’aies déjà vu de toute façon ! » Et elle s’évanouit dans l’embrasure de la porte.

Wyatt ouvrit la porte de chez lui, sa console dans la main, relativement peu concentré sur son visiteur. Il releva le regard pourtant alors que la musique effrénée de son jeu vidéo donnait le ton. Tamara. Trempée. Et son maquillage avait coulé laissant des marques noires sur ses joues. « Désolé de te déranger mais faut qu’on discute. » Wyatt n’eut même pas le temps de s’écarter pour la laisser passer qu’elle était déjà dans le hall, non sans avoir bousculé Wyatt qui vit sa console chuter, de la même manière que son verre à la soirée quatre mois plus tôt. « Bon. Puisque tu veux parler, vas-y… Mais dépêche-toi, je suis à deux doigts de détruire le Boss là. » La jeune Tamara fit comme chez elle, comme à son habitude, décidant d’aller prendre place sur le canapé du salon, loin d’être aussi exubérante qu’habituellement. « Je ne vais pas y aller par quatre chemins puisqu’on en est là. Je suis enceinte Wyatt… Et je compte le garder. » Wyatt n’avait même pas eu le temps de fermer la porte derrière lui qu’il releva le regard vers elle, lâchant sa console de nouveau, la musique laissant échapper un gros couac, signifiant que c’en était fini de sa bataille contre le Boss final. Cette fois, Monroe ne prit pas la peine de ramasser l’objet, la mâchoire grande ouverte, sous le choc. Il finit par bouger pour aller rejoindre Tamara, s’asseyant avec fébrilité. « C’est… La soirée ? T’es sûr ? » Tamara essuya ses joues prestement avant de lui faire face, hochant la tête avec hésitation. Wyatt attrapa sa main et la regarda avec tendresse et affliction. « On fera ce qu’il faut Tams. On va assumer. Je le sais » Et ils restèrent ainsi une bonne heure sans parler, avec la peur du lendemain et le regret du passé…

« Et merde, et merde, et merde ! » Wyatt courait partout dans son appartement, tentant de survivre à l’urgence d’une situation qui impliquait un enfant en bas âge. Elwyn avait un an et on ne pouvait pas dire que Tamara était présente, submergée par la situation et ses troubles d’humeur chroniques après une crise familiale qui l’avaient obligé à faire un tour dans un centre pour gérer ce genre de problèmes. Wyatt, le père célibataire avait réussi à terminer ses études néanmoins pendant que Tamara était encore dans le coup et avait été embauché dès son diplôme dans la poche. Il devait néanmoins jongler entre vie professionnelle, nounou et couches à changer. Pas ce qu’il y avait de plus fun pour un gamin comme lui, à peine un an auparavant et qui n’avait aucune véritable expérience dans le domaine. Il avait suffi d’une fois apparemment pour amener Elwyn dans ce monde, alors que ce cher Monroe n’arrivait à rien d’autre que regarder les danseuses en mouvement du haut de son balcon habituellement, et même si Wyatt ne pouvait pas le regretter, cela n’en faisait pas moins un fardeau lourd à porter. Surtout lorsqu’il avait déménagé du jour au lendemain, laissant ses parents sans véritable réponse à leurs questions. Il avait caché Elwyn tout ce temps : pourquoi ? Il n’en savait trop rien. Peut-être parce qu’il ne voulait pas détruire leurs idéaux et l’image de fils modèle qu’il avait mis si longtemps à élaborer. Riley avait toujours été proche de ses parents : de son père parce qu’il exerçait le même métier et de sa mère parce qu’elle avait toujours été là pour lui. Et la porte se mit à sonner alors que Wyatt tentait de bercer son fils, avec une prestance quasi nulle. Il le reposa dans son lit alors qu’il courut vers la porte, la sueur au front pour faire face à ses parents. « Hey, papa, maman ! » Wyatt se perdit en geste maladroit pour les saluer alors que son père commençait déjà à ouvrir la porte, laissant le bruit que faisait Elwyn s’entendre un peu plus. « Fils… Tu comptes nous laisser entrer ou… C’est quoi ce bruit ? » Wyatt se perdait en grands gestes, accoudé à la porte pour masquer l’intérieur. « Bruit, quel bruit ? Oh ça… Ca doit être euhh.. Ma game boy.. Ouais, c’est ma game boy ! J’étais en train de jouer à Animal Crossing quand vous êtes arrivés alors… Vous savez les chiens, ça fait un bruit d’enfer dans ce jeu, je devrais appeler les concepteurs pour qu’ils… » Mais ses parents avaient déjà arrêté de l’écouter, comme d’habitude quand il partait dans ses délires de gamer. Sa mère l’embrassa sur la joue avec un grand sourire et Wyatt ne put s’empêcher de penser à Tamara, par ce simple geste. Celle-ci l’avait appelé deux jours plus tôt, délirant totalement et voulant la garde d’Elwyn à plein temps, l’accablant de mots doux qui ne lui ressemblait pas à son égard habituellement avant de l’injurier deux minutes plus tard quand il refusa son action. Monroe revint sur Terre, bien décidé à empêcher la catastrophe de survenir. « Oh, et si vous alliez réserver un restaurant ? Je vous rejoins tout de suite, le temps de me faire une beauté, voyez-vous ! » Et il s’était déjà détourné pour courir à l’étage alors que le rire de son père se fit entendre. « Une beauté ? Mais Wyatt, tu portes toujours la même chemise et tu te coiffes jamais, qu’est ce qui te prend ? » Riley le pointa du doigt, un sourire aux lèvres. « Ah, je vois que tu reconnais toujours autant mon humour, papa, eh eh… Non sérieusement, j’ai une petite bricole à régler et j’arrive ! » Et Wyatt était déjà parti en courant appeler la nounou. La question résidait en suspens pourtant… Pourrait-il réellement cacher son fils toute sa vie ? A Chicago, tout finissait par se savoir de toute manière. Un jour ou l’autre.