PRÉNOM OU PSEUDO ◮ certains me connaissaient comme "Grace" surun autre forum
ÂGE ◮ majeure
SEXE ◮ demoiselle
Où AS-TU DÉCOUVERT LE FORUM ? ◮ on m'a gentillement tendu la perche pour que je vienne ici
QU'EN PENSES-TU ? ◮ superbe travail
FRÉQUENCE DE CONNECTIONS ◮ 7/7.
MOT DE LA FIN ◮ contente d'arriver ici, vous êtes tous parfaits :crochou: .

Combien de petites filles n'ont pas rêvé de vivre comme des princesses ? Combien de petits garçons n'ont pas souhaité devenir des super-héros ? Combien de personnes n'ont pas voulu naître plus chanceux, plus beaux, plus riches ? Emil, lui, ne l'a jamais souhaité et, quelque part, il en vient même à regretter d'être né dans une famille pareille. Crane, un nom qui pourrait être aussi innocent que bien des autres s'il ne traînait pas avec lui tout un héritage familial dont le gamin ce serait bien passé. Que demander d'autre, après tout, lorsque son père se trouve être l'une des plus grosse puissances de l'état, grâce à son empire financier ? Crane, un nom qui sonne comme celui d'un PDG reconnu par ses pairs, heureux détenteur d'une firme en plein croissance, et d'une famille parfaite. Une femme, deux enfants, une belle et grande maison et, bien évidemment, le labrador pour compléter le tableau. Quoi de mieux pour grandir sainement, entouré de belle vaisselle et de grandes pièces spacieuses ? Si le luxe possède cette saveur enivrante au goût de beaucoup de personnes, il n'en demeure pas moins cruel et porteur d'un coût que bien trop peu son prêts à payer. La fortune a un prix, celui de l'absence, et celui d'un père qui passe chez lui en coup de vent, trop peu attentif sur le moment aux besoins de ses enfants. La situation inquiète, elle ennuie, elle chagrine, mais heureusement il reste leur mère, cette personne aimante qu'Emil ne voudrait quitter pour rien au monde. Elle est toujours là lorsqu'il a besoin là, et ses sourires lui réchauffent le coeur jour après jour. Devant ses yeux d'enfant naïf, il se dit que son père sauve le monde, et que sa mère, elle, sauve ses journées à lui. Faites de gâteaux et d'histoires, elles sont parfaites, et ne font qu'enrichir son imaginaire déjà bien grandissant. Le rêve est beau, mais la réalité se veut bien plus traître, derrière ses douces images. Tout prend brutalement fin un jour d'automne, sous un ciel pluvieux. Une histoire de voitures, de la carrosserie qui se froisse, et une vie qui s'échappe de ce monde cruel. Emil a mal. A onze ans, perdre sa mère, c'est un premier coup dur, d'autant plus lorsque le père est absent. Son monde s'effondre lorsque le cercueil se fait enterrer et, à force de pleurer, il a l'impression d'avoir déposé une partie de son coeur avec le corps sans vie de sa mère. Ses rêves ne sont plus que des cauchemars, et ses journées des angoisses. Sa soeur, elle, a vite rebondi sur ses pieds. Bien plus pimpantes, bien plus vivante, elle ne se laisse pas abattre - peut-être est-ce pour ça qu'elle devient rapidement la préférée de leur père, qui lui passe de plus en plus de temps à la maison. Son empire à portée de main, il peut à présent s'en occuper depuis son bureau, usant de toute les nouvelles technologies dont il dispose. Mais avoir affaire à son père n'égale pas ses après-midi avec sa mère et, sans s'en apercevoir, Emil reconstruit cet imaginaire qui lui a fait défaut pendant quelques mois. Fait de dragons et d'aventures, il lui permet de s'échapper, là où les paroles de son géniteur se font parfois dures, et ses choix arbitraires. Sa soeur fera une parfaite avocate, et il n'en attend pas moins de la part de son fils. Est-ce qu'Emil a son mot à dire ? Pas devant cette figure d'autorité qu'il n'ose contredire. Alors il se renferme dans son monde, tentant petit à petit d'ouvrir une brèche pour quitter cette prison dorée. Certains mettent ça sur le compte de l'adolescence rebelle, lui voit plutôt un retour du lirbre-arbitre. Il rêve d'être connu pour ce qu'il fait, et non pas pour ce nom qu'il tire derrière lui comme le boulet d'un prisonnier. Chicago est grande. Chicago fait rêver. Et, au milieu des hauts buildings, Emil veut devenir un artiste, pas un juriste. Alors il prend des cours d'arts sans en avertir son père, suivant juste ce qu'il faut ses cours de droit à côté. Il vogue, à droite, à gauche, fait des rencontres formatrices, et d'autres qui lui portent préjudice. La vie est comme une boîte de chocolats et, par inadvertance, Emil en tire un à la liqueur, dont il a horreur. Un mauvais choix caché derrière un ami improbable, et c'est son monde qui vole de nouveau en éclats. Plus de dessins, plus de cours d'arts, seulement quelques paroles amères et un regard noir. Mais même lorsqu'on touche le fond, on se rend compte qu'on peut toujours continuer à creuser et, sans le vouloir, Emil déterre une pensée qu'il aurait préféré ne pas avoir. Du chantage, des pots-de-vin, qu'importe le nom, les faits son là et ça, il ne le supporte pas. Des discussions inutiles en interventions infertiles, il décide de couper définitivement le cordon ombilical, sans se soucier des conséquences. Entre partir vivre sa petite aventure, et continuer à suivre ce chemin épineux tracé par son père, le choix est vite fait -un peu trop, peut-être.


« Tu ne crois tout de même pas que tu vas partir aussi facilement ? » Dans son dos résonne la voix de sa soeur et, intérieurement, il prie pour que ses parents n'en soient pas réveillés. Sur le pas de la porte, il s'arrête, et lève les yeux vers le plafond quelques instants, juste le temps d'une longue inspiration, avant de se tourner un peu vers elle, son regard rencontrant automatiquement le sien. Elle a l'air sereine. Ni trop surprise, ni même en colère, comme si quelque part, elle s'attendait à ce qu'il réagisse de la sorte. Pour autant, Emil n'est pas dupe et, connaissant son aînée, il se doute que quelque chose se cache sous ce masque de porcelaine qu'elle porte jour après jour. Est-ce qu'elle a réveillé leur père avant de partir ? Est-ce qu'elle va se mettre à hurler s'il passe la porte sans se retourner ? La première semble plus probable que la deuxième -question de tenue- et même s'il est curieux, le jeune homme n'a aucune envie de vérifier sa théorie. Plus vite il sera sorti, mieux il en sera pour tout le monde, et surtout pour lui. Il n'emporte presque rien avec lui, juste un sac à dos contenant quelques affaires, de quoi dessiner, et assez d'argent pour quelques mois. Le couloir ne lui a jamais paru aussi pesant et, enfin, il se décide à rompre le silence - après tout, il n'a plus rien à perdre. « Ou alors quoi, tu vas m'empêcher de passer la porte ? J'en ai ma claque d'être juste un pion dans cette maison, j'ai juste besoin d'un peu d'air. Et si tu as envie d'aller réveiller les parents pour ça, fais-toi plaisir, sincèrement, je m'en contrefiche. » Face à elle, il guette ses gestes avec attention et malgré ses craintes, elle ne bouge pas d'un poil, conservant cette attitude froide et assurée qui fait d'elle une si bonne avocate. Lentement, elle croise les bras, prenant un malin plaisir à faire durer cet instant transitoire comme pour observer la chute de son frère, et son regard se fait presque intransigeant au fil des secondes. Elle l'observe, purement et simplement, comme on peut observer un animal en cage ou une marionnette au théâtre. Depuis quand n'y a-t-il plus que ce rapport froid entre eux ? Où est passé cette entente chaleureuse qui pouvait les lier si étroitement lorsqu'ils étaient enfants ? Emil a appris à ne plus se poser la question, plus depuis qu'il a compris qu'il n'obtiendrait jamais de réponse. Les gens changent, comme il entend souvent dire. Oui, mais s'ils changent, ce n'est pas forcément toujours pour en ressortir mieux, bien loin de là, et ça, Emil l'a bien compris au fil des ans. D'abord son père, et ensuite elle - sans aucun doute, il était le prochain sur la liste. « Oh et puis fais ce que tu veux, après tout. » Décroisant ses bras fins, elle hausse les épaules d'un air las, levant presque les yeux aux ciels. « Tu es assez grand pour faire ce que tu veux, ne viens juste pas pleurer quand tu te rendras compte de l'erreur que tu fais. » Et sans plus rien ajouter, elle tourne les talons, remontant l'escalier qui mène à l'étage des chambres. Le spectacle fini, doit-il lui aussi rendre les armes, ou peut-il enfin quitter la scène comme il le souhaiterait ? Son regard suit la silhouette de son aînée, jusqu'à ce qu'elle disparaisse enfin de sa vue et, aussi silencieux qu'une ombre, il se glisse enfin à l'extérieur de la maison, savourant l'air frais qui lui caresse le visage. Bonnet vissé sur le crâne, il n'a qu'une seule envie, trouver un endroit où se poser, et oublier définitivement cette demeure d'hypocrites. Pourtant, sa résolution lui donne presque un goût amer dans la bouche, même s'il n'en devine pas l'origine. Mettant ça sur le compte de l'angoisse et de l'excitation à la fois, il traverse rapidement le jardin, marchant à pas rapides sur ces pavés qu'il connaît par coeur. Un, deux, trois, plus que quelques pas, et il sera enfin libre. Libre de toute attache, libre de tout passé suintant d'argent et de mépris. Plus de fausses apparences, plus de règles à respecter - il pourra dicter sa propre vie, et suivre son propre chemin. La main posée sur la poignée de la grille en fer, il ne peut s'empêcher de se demander si son père va le chercher, ou s'il le laissera partir sans lever le petit doigt. Ira-t-il jusqu'à embaucher quelqu'un pour le suivre ? Qu'importe, il avisera en temps voulu, du moins c'est ce dont il se persuade. Seulement une grille de fer le sépare de ce futur qu'il veut se construire et, presque sans regrets, il la traverse, fermant derrière lui la porte menant à cette boite à malice sournoise. Chicago est petite, Chicago est grande. Il lui suffira juste d'un peu de temps pour se faire oublier, un peu de temps pour souffler et, petit à petit, tendre les bras vers une nouvelle vie. Qu'advient-il alors des utopistes, lorsqu'ils s'aperçoivent que leur histoire ne sera jamais aussi belle qu'ils le pensaient ?


Assis sur l'un des bancs du parc, il regarde les nombreux visiteurs évoluer dans les allées, laissant son imagination divaguer au même titre que ses pensées. Il neige. Il pleut. Il rit. Il pleure. Les jours sont ce qu'ils sont, égales à eux-même dans une certaine mesure. Il n'y a plus cette épée de Damoclès sur ses épaules, ce regard intransigeant de la part d'un père qui cherche à trop en faire et, quelque part, les choses lui suffisent de cette façon. Même s'il n'a pas quitté la ville, son environnement a changé du tout au tout et, de grande maison huppée, il en est réduit à vivre dans un petit appartement dans une colocation trouvée un peu par hasard. Il ne compte plus les jours depuis qu'il a quitté la maison familiale, ou peut-être les compte-t-il un peu trop. Sa nouvelle école lui plaît et, si certains de ses camarades sont particulièrement curieux, il arrive suffisamment à jouer l'anguille pour ne pas se mordre la queue. Il passe probablement pour encore plus incompris et étrange qu'il ne l'est mais c'est bien là le dernier de ses soucis. La vie est faite de nouvelles rencontres, n'est-ce pas ? Alors suivant cette idée, il se laisse porter, comme si plus rien n'avait d'importance, comme s'il n'était plus qu'une feuille blanche glissant sur un cours d'eau. Dans sa poche, il sent son portable vibrer, et un léger mouvement suffit à lui montrer le nom qui s'affiche à l'écran, et qu'il ne connaît que trop bien. Une pression suffit pour l'effacer, et le laisser reprendre le cours calme de sa journée. Rejeter des appels, se terrer, faire le mort pour continuer à vivre comme il l'entend - combien de temps va-t-il encore tenir, à jouer l'autruche pour sauver ce qu'il reste de sa vie ? S'il pensait pouvoir oublier ses racines en peu de temps, elles se sont pourtant accrochées de toutes leurs forces à ses jambes, et la réalité a eut vite fait de le rattraper. Tout oublier, tout effacer, et recommencer de zéro - une utopie à laquelle il croyait dur comme fer, mais qui le ronge de l'intérieur, petit à petit. Il a beau se satisfaire de peu,se dire que les jours à venir seront plus beau, il ne peut lutter contre les nuages sombres qui s’amoncèlent devant lui, et qui menacent de craquer du jour au lendemain. Lorsqu'il pense à cette nuit, la bêtise de son geste se fait de plus en plus nette dans son esprit, et il ne sait s'il le pense vraiment, ou s'il s'agit là du dernier héritage de son père. Commence-t-il à voir les choses de la même façon que lui, alors qu'il avait enfin réussi à couper ce cordon ombilical qui l'étouffait à petit feu ? Il a fui sa cage dorée, mais le poids de toutes ces années passées suffit à le tenir au sol, alors qu'il n'aspire qu'à s'envoler loin de tous ces problèmes existentiels. Mentir est devenu une façon de vivre, alors que le mensonge le débecte. Sourire, se présenter comme celui-ci au lieu d'un autre, taire un nom de famille qu'il ne désire plus porter - sa carte d'identité reste sûrement la seule à être honnête, dans son petit théâtre de vie. Ses amis ? Éloignés, oubliés - en changeant d'école, il a coupé plus de lien qu'il ne l'aurait voulu, intentionnellement ou non. A part de la volonté et beaucoup de culot, que faut-il pour s'inventer autre ? De la peur, une bonne raison d'agir ainsi, et du courage, probablement. Tout ça, il ne sait pas s'il en possède vraiment, mais il ne revient pas sur sa décision pour autant. Qu'importe s'il doit continuer à regarder derrière lui à chaque coin de rue, à sursauter à chaque nouvel appel, à se demander si son école a reçu un coup de fil pour lui - quitte à tomber dans un gouffre sans fond, autant le faire avec le sourire et, qui sait, peut-être que quelqu'un sera là pour l'attraper en chemin.