Elle était au sommet de sa gloire. Et elle en était fière, heureuse. Rien n’aurait pu lui faire d’avantage plaisir. De passage en Irlande, elle s’était pourtant réjouie de voir sa famille. Quand elle n’était pas chez elle, elle devait bien avouer que ses parents lui manquaient. Certes, elle avait toujours été habituée à être loin d’eux mais ce n’était pas pour autant qu’elle s’était faites au manque que cela avait créé en elle. Assise dans le salon de ses parents, la jeune femme bavardait joyeusement avec son père, une cigarette allumée au bout de son fumoir en argent. Un gadget qui pour certain faisait bourgeois, mais qui pour elle était très pratique. En effet, elle ne supportait pas d’avoir les doigts qui sentaient le tabac et c’était bien pour cela, qu’elle utilisait le précieux support. Un rire s’échappant d’entre ses lèvres à l’une des blagues de son père, la jeune femme lança cependant un regard suspicieux à sa mère, qui était au téléphone. Elle avait l’air de ne pas aller bien. Et cette impression ne fit que s’accentuer quand celle-ci rejoignit le salon, le teint blême.

- Qu’est-ce qu’il se passe, maman ?

En fait, elle préférait ne pas savoir, vu la tête qu’elle faisait. Haussant un sourcil parfaitement épilé, la jeune femme écouta sa mère lui annoncer que son frère avait été arrêté. Nom de dieu, mais quel idiot ! Ne se rendait-il pas compte de l’impact que cela pouvait avoir ? Car en effet, ce genre de choses n’étaient pas anodines. Son casier judiciaire ? Ah non, mais ça elle s’en fichait totalement. Elle était juste en train de penser aux faits que si des journalistes venaient à apprendre cela, elle n’aurait pas fini d’en entendre parler. Egoïste ? Si peu, si peu.

~

Moins d’une demi-heure plus tard, la jeune femme, en compagnie de son père et de sa mère, poussait la porte du commissariat. Son frère pouvait être libéré sous caution, mais bien évidemment, ses parents n’avaient pas les moyens pour cela et c’était à elle, d’allonger le chèque pour obtenir sa sortie. Et c’est bien ce qu’elle fit, malheureusement, contre sa volonté en quelque sorte. Oui, si ça n’avait tenu qu’à elle, elle aurait laissé son frère dans sa cellule encore quelques heures, histoire qu’il apprenne la vie et qu’il soit un peu plus … intelligent. Ca ne lui aurait sans doute pas fait de mal, à ce crétin.

- Je voudrais lui parler, si cela ne vous dérange pas.

S’adressant à ses parents avec un grand sourire, elle n’attendait pas vraiment leur approbation. Il était temps que quelqu’un remette les pendules à l’heure de ce sombre crétin. Ses parents rejoignant la voiture, Abiageal attendait de pied ferme que l’on sorte son frère de cellule. Tapant du pied, elle fronça les sourcils et croisa les bras. Elle n’avait absolument pas sa place dans cet endroit. Vêtue d’un tailleur de créateur, elle faisait tache parmi les délinquants qui entraient et sortaient du poste de police. Et voilà qu’enfin, elle voyait son frère arrivé. Il faisait curieusement moins le malin. Et très honnêtement, elle était clairement exaspérée. Il avait toujours eu tout ce dont il avait besoin. Leurs parents n’étaient pas riches, mais il ne manquait de rien pour autant. Et surtout, c’était le jour de son anniversaire. Pourquoi diable braquer une banque le jour de son anniversaire ? Elle était revenue exprès pour cela, alors qu’elle s’en fichait totalement. Et c’était ainsi sa façon de le remercier ? Quel crétin !

- J’espère que tu es fier de toi ? Maman est bouleversée ! Qu’est-ce qui t’es passé par la tête ?

Dis-moi tout
Je te laisse
La chance
De t’expliquer

Mais après ça
Jamais plus
Tu n’auras
L’opportunité
De nous détruire

Je le jure devant Dieu

♥

Son frère n’était qu’un sombre crétin un véritable idiot. Une erreur de la nature et il n’aurait jamais dû venir au monde. Elle était dure, oui, mais elle avait bien le droit, du moment qu’elle ne l’exprimait pas à haute voix. Il lui tapait sur les nerfs, ce misérable idiot. Ne se rendait-il pas compte de la chance qu’il avait ? Une famille aimante, un toit sur la tête. Abiagael aurait tout donné pour être à sa place. Après tout, elle, elle avait toujours était loin de sa famille et elle n’avait pas eu de résidence fixe depuis si longtemps … Quoi qu’il en soit, elle était vraiment en colère contre son frère. Elle était venue pour son anniversaire, elle était venu pour lui tout simplement et voilà qu’il s’était encore mis dans le pétrin. Fronçant les sourcils, perchée sur ses talons hauts, elle attendit qu’il n’arrive, ce qui ne tarda pas. Elle avait envie de le gifler, avec sa tête de délinquant juvénile. Misérable crétin qu’il était. A se demander si c’était bien son frère ou s’il n’avait pas été ramassé au bord de la route. Il était clair qu’ils n’avaient pas la même éducation … Sale gosse de riche. Il profitait bien de l’argent qu’Aby envoyait à ses parents visiblement.

Ecoute j’suis plutôt fière de moi oui
J’ai réussis à faire bouger trois flics ce soir
Alors que d’habitude ils foutent rien …
Maman est pas bouleversée …
Elle … ‘fin voilà quoi !
C’est pas comme si c’était la première fois
Que je lui en faisait voir de toutes les couleurs …

Sa langue claque contre son palais, d’un geste mécontent. Vous ais-je seulement mentionné à quel point elle avait envie de le frapper ? Oui ? Eh bien je le redis. Croisant les bras, la grande femme le toisa de toute sa hauteur. D’un côté, elle avait envie d’essayer de le comprendre, de comprendre ce qu’il lui était arrivé. Elle doutait qu’il ait manqué d’amour. Mais peut-être, qui savait, qu’une fille était passée par là et lui avait arraché le cœur avec les dents. Mais qu’il n’ose sans prendre à leur mère … Ca c’était vraiment un coup bas, un coup qu’Aby ne pourrait tolérer. Leur mère avait toujours été si douce et si généreuse …

- Ta gueule Edwin. Maman a toujours été là pour nous. Tu pourrais au moins lui manifester un peu de respect !

Ce n’était pourtant pas son genre de s’exprimer de la sorte. Elle qui avait toujours tellement de classe, qui était si distinguée, voilà qu’elle se rabaissait à son niveau en l’insultant. Mais que voulez-vous, c’était plus fort qu’elle. Qu’il se retrouve derrière les barreaux était une chose, mais qu’il parle ainsi de leur mère, qu’il se plaise même à l’idée de lui faire de la peine, c’était absolument scandaleux et elle ne laisserait pas ce petit merdeux se comporter de cette façon. Frère ou pas frère, elle s’en fichait totalement pour le coup.

Eh mais attend, maman se soucie de moi maintenant ?
Genre elle s’occupe plus de ton p’tit cul d’ange ?
J’ai du mal à te croire là … Je suis … Waw quoi !

Ah ! Non mais alors là ! Fronçant les sourcils, la jeune femme ne put plus guère se contrôler. Sa main sembla échapper à sa volonté et la gifle partie toute seule. Il … Il exagérait clairement. Elle en fut elle-même surprise pourtant, l’espace de quelques secondes, avant de se reprendre. Il le méritait et il fallait bien que quelqu’un le remette à sa place.  Attrapant son menton entre ses doigts, Abiagael le toisa d’un air mauvais.

- Écoute-moi bien toi. Fais très attention à ce que tu dis, sinon ça va très mal se terminer. Je te garantie que si tu me cherche, tu vas me trouver et tu vas le payer très cher, t’as compris ?

Je ne te menace pas
Je te fais une promesse
Ne t’en prends à notre mère
Ou tu regrettas, je le jure
Le jour de ta venue au monde

♥

Elle n’aurait jamais dû le sortir d’ici, il ne le méritait pas, pas plus qu’il ne méritait qu’on l’aide. Et pour être tout à fait honnête, elle devait s’avouer clairement exaspérée par le comportement de son abruti de frère. Grace à elle, grâce à l’argent qu’elle envoyait régulièrement à la maison, il avait toujours tout eu. Elle, elle avait toujours vécu loin de ses parents, loin de sa famille et elle avait dû faire de nombreux sacrifices pour en arriver où elle était aujourd’hui. Ce n’était certainement pas en se tournant les pouces toute la journée qu’elle était devenue l’une des danseuses les plus prometteuses de sa génération. Elle avait dû faire un nombre de sacrifices considérables, jusqu’à abandonner sa prropre famille pour fuir à l’autre bout du monde. L’Irlande lui manquait tellement par moment. La France avait été un beau pays, mais les Etats-Unis ne lui plaisaient pas particulièrement, en raison du climat hostile qui y régnait si souvent. Autant dire qu’elle aurait préféré rester chez elle. Mais elle avait voulu réussir et la réussite avait un prix, ce que son frère ne semblait pas comprendre. Elle ne pouvait pas lui en vouloir. Il n’était qu’un enfant gâté et il ne comprenait rien à la vie.

Ouuuh mais c’est que Madame se réveil !
Chose étonnante quand on voit l’heure.
Demain tu vas te réveiller avec de magnifiques cernes, fait attention !
… Maman a toujours été là, mais tu ne peux pas dire pareille de toi.
Le respect j’en ai pour maman, pour toi en revanche … Jamais là !
Des passages en coup de vent …
Non vraiment, je ne montre du respect qu’à ma famille !
Et je ne te qualifie pas comme tel !

Elle aurait pu se mettre en colère, mais ce n’était pas le moment. Haussant un sourcil, elle encaissa l’attaque, sans même sourciller. C’est un regard froid et impassible, qu’elle déposa contre le visage de celui qui était supposé être son frère. Sa langue claqua contre son palais, alors qu’elle se redressait, s’adossant à la chaise qui leur avait été mise à disposition. Se passant la main dans les cheveux pour les remettre en arrière, elle attendit la prochaine attaque, toujours sans broncher. Qu’il attaque. Mais qu’il fasse attention, cette fille qu’il croyait idiote était loin de l’être et le revers de la médaille allait faire mal, il s’en rendrait compte suffisamment tôt.

Ce sont des menaces ?
Tu vas me faire quoi ?
Tu n’as absolument rien à me dire.
Tu ne me connais pas !
Reste donc dans ton monde à paillettes !
Dans ton château et attend que ton prince vienne
Si toutefois il trouve que la vipère que tu es en vaut vraiment la chandelle …
Ce que franchement je ne pense pas !
Ici tu n’es personne Abiagael.
Tu ne peux juste pas venir et imposer ta loi !
… Tu me saoul là … tu as fini ?
On peut y aller ?

Croisant ses doigts entre eux, elle amena ses coudes contre le bois froid de la table, amenant son menton sur ses doigts liés. Elle resta ainsi plusieurs secondes, à le regarder sans bouger. Seuls ses paupières s’ouvraient et se fermaient à un rythme régulier. Mais pas le moindre signe d'émotion ne filait contre son visage. Elle n’était pas blessée. En colère, peut-être, mais il en faudrait plus pour la blesser. Ce n’était pas son genre et encore moins par un idiot tel que l’était son frère. Plutôt mourir que de s’avouer vaincu. Il était temps que quelqu’un lui apprenne la vie, que quelqu’un le remette à sa place.

- Oh non mon cher, nous n’avons pas finis, nous commençons seulement.

Décroisant soudain les bras, elle posa ses paumes contre la table. Croisant les jambes, elle le dévisagea longuement, semblant choisir ses mots avec soin. Mais contrairement à ce que l’on pouvait penser, elle ne cherchait pas à trouver les mots pour le calmer ni pour se montrer compatissante, bien au contraire : si les gifles ne suffisaient pas, elle y rajouterait l’acidité de ses mots, puisqu’il ne comprenait rien d’autre.

- C’est vrai, nous ne nous connaissons pas. Et je n’ai jamais eu aucune envie de te connaître. Mais nous partageons les mêmes parents, ce qui fait de nous des frères et sœurs, que nous le voulions ou non. Cela dit, il me semble que tu as toujours aimé ton train de vie n’est-ce pas ? Tu n’as jamais manqué de rien. Dis-moi, toi qui es si malin, si je n’envoyais pas cet argent à nos parents, comment crois-tu que tu vivrais ? Aucun de nos deux parents ne travaille, alors sans mon argent, qu’est-ce que tu serais ? Ce n’est pas sur toi qu’ils pourraient compter, je ne vois pas bien ce que tu pourrais faire pour eux, d’ailleurs j’ai du mal à concevoir pourquoi tu es venu au monde, tant ton utilité me semble inexistante.

Ses mots se faisaient aussi tranchants qu’une lame d’acier, tandis que son regard déversait toute sa colère et toute sa rancœur, sur un frère qui n’avait pas cherché le bon jour pour la mettre en colère. Un délinquant, voilà ce qu’il était. Ce n’était certainement pas avec lui que leurs parents pourraient survivre. Il n’avait jamais eu à se soucier de l’argent comme ça avait le cas quand elle avait été toute petite. Et ses parents n’auraient jamais eu les moyens d’avoir un second enfant sans elle. Il lui devait la vie, du moins se plaisait-elle à le penser.

- Ce ne sont pas des menaces mon chéri, crois-moi sur parole, ce sont des promesses. Sans mon monde de paillettes, tu boufferais des rats sous les ponts, alors je te déconseille de te mettre en travers de mon chemin, sinon je t’écraserais comme le misérable cafard que tu es. Et puisque tu considères que je ne suis pas de ta famille, alors n’ait aucune crainte, je n’hésiterais pas à t’anéantir, comme je le fais avec chacune de mes concurrentes.

Un sourire délicat se glissa contre ses lèvres, contrastant avec la dureté de ses propos. Elle se savait cruelle pour l’heure, mais elle ne faisait que se mettre à son niveau ce qui n’était pas une bonne idée, elle le concevait, mais il avait commis l’erreur de la mettre en colère, chose qu’elle ne saurait jamais lui pardonner, pas plus qu’elle ne pardonnerait son arrogance.

- Alors voilà ce que je crois. Je crois qu’on va rentrer et que tu vas présenter tes excuses à papa et maman. Tu vas souffler tes bougies, tu vas ouvrir tes cadeaux et tu vas te montrer très agréable toute la soirée. Et demain, au réveil, tu ne seras plus là. Tu auras fait tes bagages et tu seras parti, laissant une lettre où tu diras que tu as besoin de prendre l’air, de vivre des expériences par toi-même. Et moi je serais là pour consoler maman avant de repartir pour New-York.

Et voilà que la boucle était bouclée. Il ne lui restait pas grand-chose à dire pour l’achever, mais elle ménageait l’effet de suspens. Elle était parfaitement consciente de sa cruauté. Mais elle était également consciente qu’elle avait été blessée par ses accusations, blessée par son rejet, par sa décision de l’exclure de cette famille dont elle avait tant voulu faire partie. Elle se souvenait de ce bébé qu’elle avait tenu dans ses bras et se sentait dépitée à l’idée qu’il n’existe plus. Croisant les jambes, elle fixa son regard bleu sur son visage, d’une dureté qui ne l’impressionnait guère.

- Avant que tu ne dises non, sache que si tu ne le fais pas, je vous coupe les vivres. Et dans quelques mois, quand vous vous retrouverez tous à la rue, je te laisserais le soin d’expliquer à tes parents pour qu’elle raison la situation a dégénérée. On verra alors lequel de nous deux ne mérite pas de faire partie de cette famille. Et on aura une assez belle démonstration de ton incapacité à te débrouiller. Alors, qu’est-ce que tu en penses. Deal ? ♥

Tu n’aurais pas dû me contrarier
Jamais tu n’aurais dû te mettre dans mon chemin
Car comme tu le sais, je suis sans pitié
Face à ton comportement si enfantin

Pars
Et ne reviens jamais
Rends-moi ma famille
Détache-toi d’eux, sale parasite
Je ne suis pas ta sœur
Je ne suis personne
Pars
Va en enfer
Et surtout
Ne reviens jamais
♥