Un tintement, cristal étincelant d'une coupe d'argent dans laquelle fut versé un liquide mordoré aux bulles innombrables. Un verre porté aux lèvres rougeâtres d'une bouche charnue, un champagne qui glisse sur une langue qui claque, dans une gorge échauffée. Les convives évoluent sur une piste de danse, et les robes tournoient, flottent autour des chevilles de ces femmes parés de leurs plus beaux atours, tandis que les hommes rivalisent de charmes et de séductions pour attirer une créature à la beauté enchanteresse. Et pourtant, cette soirée organisée par l'un des riches minois de Chicago, n'est destinée à la rencontre et à la parade amoureuse. Cette femme, au regard sombre et à la grâce vieillissante, en appelle à la générosité hypocrite ou sincère des habitants d'une ville conviée sans discrimination sociable. Chacun sait que la veuve Mordroe a le cœur sur la main, que son sourire n'est pas plus factice qu'un regard étreint d'une générosité certaine. Des dizaines d'association ont été invitées à s'exprimer sur cette estrade élevée dans cette somptueuse salle de réception pourvues de douceurs culinaires, pâtisseries et boissons disposées sur les nombreuses tables dressées, habillées de ces nappes brodés et filées d'or. Des mots qui s'élèvent, des visages qui se tournent, une attention captivée ou trahie par un sourire, un regard. Certaines personnes se sont éclipsées, migrant vers les étages. Les murmures des conversations résonnent dans ces escaliers gravis par les quelques rebelles qui n'ont supporté d'écouter sagement des discours inappréciés. Ce son des baisers, des conversations, des disputes dans ces couloirs qui résonnent. Certains se sont simplement égarés en recherchant des toilettes salvatrices, d'autre ont eu ce sentiment qu'un calme bienfaiteur serait trouvé dans ces couloirs longs à l'abri des regards indiscrets car même le trottoir semble envahit de ces journalistes venu couvrir l'événement. L'effluve d'une cigarette allumée, puis un coup de feu qui retentit. Chacun retient son souffle, la peur se lit dans les prunelles, dans d'autre la curiosité. Car près de cet escalier qui tournoie, les murmures parviennent, ceux d'une voix aux accents graves qui invitent au silence et à l'obéissance. Et les cœurs de ces rebelles battent furieusement dans une poitrine compressée. Des émotions vives, quel qu'elles soient, naissent dans ces corps oppressés. Car … ils sont définitivement coincés. Écroués dans ces étages sans savoir comment redescendre, sans connaître la position de tueurs à l'affût de proies malhonnêtes. Puis … qui sait si l'un d'entre eux ne va suivre le tracé de cet escalier jusqu'à eux ? Plusieurs yeux se croisent, certains plus téméraires que d'autre. En effet, Blythe de Balzac, adossé contre un mur, journaliste de métier, pourrait couvrir le sujet de l'intérieur, tel un espion infiltré, du moins, s'il n'avait pas son frère Galaad à ses côtés tandis que Reaver Halloran, agent en sommeil, pourrait commettre des folies qui les mettrait tous en danger, entraînant dans son sillage la jeune Alessa Stern et sa fille, ou encore Héloïse Miličević, dont les réactions pourraient en surprendre plus d'un …..

les règles du jeux:

« Mais quel con ! », lâche-t-elle, sans aucune classe, tandis que l’homme se confond en excuses. Ses excuses, il savait où il pouvait se les mettre ? Il venait de bousiller sa seule tenue de soirée, avec sa coupe de champagne. Elle n’était pas prête d’avoir les moyens de s’en repayer une d’ailleurs. Dire que le drapé du tissu noir la mettait si bien en valeur. Grommelant, elle lance un regard noir à l’homme d’un âge mûre, lui intimant silencieusement de se taire. Est-ce qu’elle avait une tête à attendre des excuses, sérieusement ? Ses pas la mènent à l’extérieur de cette salle, dans laquelle elle n’aurait jamais dû venir. Mais elle devait se sociabiliser, qu’on lui avait dit. Elle n’avait pas la moindre idée de ce que c’était censé vouloir dire exactement, mais elle avait pris la peine de venir à cette soirée tout de même. Ca l’avait plutôt amusé jusqu’à ce qu’elle comprenne qu’il s’agissait d’une soirée de charité. Elle n’avait pourtant rien de charitable. Sa robe était peut-être une bonne excuse finalement pour ne pas avoir à avouer qu’elle n’avait guère apprécié cette étrange soirée. Mais pour l’heure elle avait rejoint les toilettes pour évaluer l’étendue des dégâts. Si elle avait eu les moyens de s’offrir un tour au pressing, sa robe aurait sans doute pu être sauvée. Mais comme ce n’était pas le cas. Maudissant ce type qui n’avait pourtant rien fait de plus que de trébucher, elle marmonna une quantité de jurons assez exceptionnelle avant de quitter les lieux avec la ferme intention de rentrer chez elle. Raté. Si elle était partie cinq minutes plus tôt, qui sait à quoi elle aurait échappé. Mais il était déjà cinq minutes trop tard. Tandis qu’elle regagnait les escaliers, un bruit sourd retentit, la faisant sursauter. Il lui fallut une seconde de trop pour se souvenir de ce jour où elle avait brandit une arme et tiré à bout portant sur un homme qui n’avait eu aucun scrupule à acheter sa jeune sœur à un père qui ne méritait que la mort. Son cœur tambourina dans sa poitrine, alors que, même si elle ne l’avouerait jamais, elle était prise d’une violente crise de panique. Il lui fallut d’ailleurs plusieurs secondes avant de sortir de sa stupeur. Elle aurait voulu prendre ses jambes à son cou et s’enfuir. Ça lui ressemblait tellement, de fuir devant le danger. Mais elle était tout bonnement incapable de bouger. Elle resta figée ici, jusqu’à ce qu’un deuxième coup de feu ne retentisse. Elle dut se mordre la langue pour éviter de hurler. Et pourtant, elle ne put s’empêcher de paniquer. « Seigneur ! », s’exclama-t-elle, un peu trop fort sans doute, alors que sa voix résonnait. Mais elle était incapable de s’empêcher de paniquer et donc de parler. « Marie. Joseph … Et tous les autres ». Par tous les saints, oui, tout à fait. « J’veux pas mourir », couina-t-elle, pourtant consciente qu’elle ne parlait à personne en particulier, si ce n’est à elle-même. Son cœur tambourinait dans sa poitrine alors qu’elle respirait douloureusement. De l’air, que quelqu’un lui apporte de l’air. Non pas de l’air … De l’eau. De … Oh putain ! Elle se sentait vaciller. Si, de l’air. C’était bien, ça, de l’air.